Gérard HOULLIER - Rien d'un long fleuve tranquille

g houllierDans son livre autobiographique, l'ancien sélectionneur de l'Equipe de France raconte ses débuts d'entraîneur et son passage à Noeux-les-Mines.
 
 

 

 C’est au Touquet, sur la Côte d’Opale, à quelques kilomètres au sud de Boulogne-sur-Mer, que j’ai accompli mes premiers pas d’entraîneur. En 1971, dès mon arrivée au club, j’ai d’abord obtenu mon diplôme d’initiateur pour les jeunes, au CREPS de Wattignies, dans le Nord. Deux ans plus tard, je passais l’examen de moniteur sous la conduite de Jules Bigot, le responsable du stage. Son enseignement avait un haut niveau d’exigence, qu’il s’imposait aussi à lui-même. Ses qualités exceptionnelles lui vaudront de devenir membre du conseil fédéral de la FFF en 1975. On devait être une bonne cinquantaine de candidats à défiler devant lui, et seuls ceux qui décrochaient la note de 12/20 pouvaient prétendre, ensuite, au diplôme d’entraîneur. En terminant deuxième, je me suis tenu prêt à dépanner, le cas échéant.

g houllier3Une occasion se présenta avec la défection inattendue de l’entraîneur de l’équipe première du Touquet. Pour pourvoir à son remplacement, le capitaine fut sollicité en urgence. Une marque de confiance qu’il accepta avec fierté, tout en m’embarquant dans son sillage:«Je n’y connais rien, Gérard, donne-moi un coup de main.» Impossible de refuser. Au contraire:cette perspective m’excitait. Pour l’aider, j’ai préparé les séances d’entraînement, puis je les ai animées. Lui retenait les joueurs, composait l’équipe et la plaçait en ordre de bataille sur le terrain. À chacun son job. Les résultats ne furent pas si mauvais, et cette organisation originale basée sur cette répartition des tâches fut reconduite l’année suivante. Elle aurait pu perdurer mais le club devait se conformer au règlement et posséder un entraîneur diplômé. Jean Sérafin fut celui-là et, tout en jouant parfois avec l’équipe première, j’ai endossé l’habit d’entraîneur-joueur de la réserve.

À l’époque, je travaillais à l’École normale d’Arras et à l’École Supérieure de Commerce de Lille. Je vivais à cent à l’heure. J’effectuais le trajet entre Arras et Le Touquet avec ma Renault 4, les deux villes étant distantes d’une centaine de kilomètres par la route principale. Je ne recevais aucune rémunération du club mais sa direction m’accorda une indemnité mensuelle pour régler mes factures d’essence. Elle était modique, mais je devais m’en contenter. Reste que j’en étais de ma poche. Un jour, j’ai demandé un rendez-vous au président du Touquet, auprès duquel je voulais plaider ma cause.

«Écoutez, président, vous ne pouvez pas me donner un peu plus?

–Non, non, tu n’y penses pas, ce n’est pas possible!

–Mais je ne fais pas l’aumône, le prix du carburant vient d’augmenter…

–Bon, ok, on veut te garder, on va faire un petit effort. Et tu toucheras un complément à condition d’obtenir de bons résultats avec l’équipe.»

À moi de me débrouiller au plan sportif.

L’équipe réserve dont je m’occupais monta d’un cran, pour accéder à la Division d’Honneur. L’objectif fixé était atteint. J’allais pouvoir récupérer mon dû. Le secrétaire du club me pria de passer par le président, qui m’envoya voir le trésorier, qui m’expédia chez une quatrième personne. Je me suis fait balader d’un bureau à l’autre.

Pour l’un des derniers rendez-vous de la saison, j’avais été convoqué pour jouer avec l’équipe première contre l’équipe de France junior dirigée par Jacky Braun. Dans le vestiaire, j’ai averti mes copains que je disputais mon ultime match:«Puisqu’ils ne tiennent pas leurs engagements, je m’en vais dès ce soir!» Notre équipe l’emporta 2-1 et, ironie du sort, j’ai inscrit un but, alors que je n’en marquais jamais dans mon rôle de milieu défensif. En rentrant dans le vestiaire, le président du Touquet s’approcha de moi et me tendit un chèque.

«Tiens, c’est pour toi.

–Je le prends puisque vous me le devez. Mais je pars quand même!

–Comment ça, tu pars?

–Vous m’avez bien entendu:je pars. Je m’en vais, quoi! Les contrats lient les hommes, qu'ils soient honnêtes ou malhonnêtes. Les paroles lient les hommes. Je n’ai plus confiance en vous, je ne peux pas rester un jour de plus ici.»

Les gars me regardèrent et certains m’invitèrent à plus de modération:«Non, Gérard, ne fais pas l’idiot, reste!»

J’ai pris ma douche, j’ai rassemblé mes affaires, j’ai salué tout le monde, puis je suis sorti pour regagner ma voiture. J’ai parcouru 80 kilomètres et, au volant de ma Renault4, tout se bousculait dans ma tête. Je ne savais plus trop à quoi m’en tenir. Je me disais:«Non, tu ne peux pas en arriver à une telle extrémité. Tu vas faire demi-tour et tu vas retrouver tous tes potes. Ta vie est là-bas, ta vie, c’est le foot…» J’ai résisté à la tentation de revenir sur mes pas. Et pendant les 20 derniers kilomètres, je me suis accroché à mon idée de base : la parole donnée relève du sacré. Je n’avais pas été éduqué selon un autre principe.

En rentrant chez moi, j’ai décroché mon téléphone pour confirmer ma décision.

Le Touquet, c’était bel et bien fini.

À 29 ans, je me suis retrouvé sans réelle attache. Avec Bernard Gence, professeur d'EPS à l'École Normale, je m’occupais de l’école de football d’Arras, où je résidais, mais je n’avais pas eu l’opportunité de devenir l’entraîneur de l’équipe première. Elle se présenta quand Jean Cornet quitta son poste d'entraîneur d'Arras, à l'époque en Division 3. L’occasion était trop belle pour que je passe à côté. Sur la dizaine de candidatures qui affluèrent sur le bureau du président d’Arras, deux furent retenues:celle de Simon Flak, qui venait d’être champion de D3 avec Noeux-les-Mines, et la mienne. Flak avait eu la chance de détenir un bon poste et, à 60 ans, il n’était peut-être pas l’homme de la situation pour se lancer dans une nouvelle aventure. C’était tout au moins mon avis. J’étais le seul à le partager. Car c’est lui qui fut désigné.

J’étais furieux, et j’ai fait part de ma colère au président. «Mais qu’est-ce qui vous a pris?C’est insensé! Je vis à Arras, j’habite à 500 mètres du stade, j’ai faim et j’ai envie de construire. Et vous, vous décidez d’engager quelqu’un qui a déjà obtenu des médailles. Je ne comprends pas votre raisonnement…» Pour me calmer, il me proposa de prendre la responsabilité des équipes de jeunes, mais il n’en était pas question. Il n’allait pas m’amadouer avec un sucre d’orge. C’était non. Je n’avais pas avancéd’un pouce : toujours rien en vue.

Un dirigeant d’un petit club, Agnicourt, voisin d’Arras, voulut me sortir de l’impasse dans laquelle je me trouvais, et dans laquelle je risquais de me morfondre.

«Venez chez nous, vous serez entraîneur-joueur!

–Merci à vous, c’est très gentil de votre part. J’accepte mais à condition que vous n’adressiez pas ma licence tout de suite à la Ligue. Car si jamais un club me faisait signe avant le début de la saison, je pourrais prendre une autre direction.

–C’est d’accord.»

J’allais démarrer la préparation, comme prévu, lorsque Patrice Berguesme téléphona. «Gérard, j’ai peut-être un bon plan pour toi. Mon beau-frère vient d’être nommé entraîneur à Nœux-les-Mines. Il recherche un adjoint, qui serait également en charge de l’équipe réserve et des jeunes. Ça te dirait de le rencontrer?» L’horizon s’éclaircissait. L’équipe venait d’accéder à la deuxième division, et le challenge valait le coup d’être relevé. C’était même inespéré.

Ma rencontre avec Guy Debeugny changera le cours de ma vie professionnelle, qui n’aurait pas pris la même orientation sans sa fréquentation. Ses conceptions avant-gardistes m’ont constamment inspiré. En deux ans de collaboration, il m’a permis de posséder plusieurs années d’avance sur mes confrères.

Je l’affirme sans forfanterie.

Il habitait à Béthune et, à raison de quatre fois par semaine, je me rendais à son domicile pour préparer ensemble les séances d’entraînement, avant de retrouver les joueurs sur le terrain. Il m’enseigna les avantages de sa méthode intégrée, qui mariait tous les aspects du football:la tactique, la technique, le physique. Il était passionnant à écouter, et exaltant à suivre. Avec lui, tous les exercices d’entraînement étaient brefs et minutés, un principe que lui fit découvrir Pierre Pibarot, entraîneur de l’équipe de France pendant la Coupe du monde 1954 en Suisse, et théoricien de la défense en ligne. Ilpossédait mille et une recettes pour que les joueurs «s’amusent à s’entraîner», comme il l’exprimait, et son idée directrice visait à tout transformer en jeu. Il formait des groupes et les mettait en concurrence afin de créer une émulation qui développait l’esprit de compétition. Le tout dans une ambiance décontractée où les plaisanteries et les défis étaient monnaie courante.

g houllier6

Guy Debeugny n’avait qu’un seul défaut, tout relatif:trop gentil, il accordait facilement sa confiance aux joueurs. Trop, sans doute. Un type de management qui connaissait des limites. Mais c’était sa nature profonde:un génie et une crème d’homme.

En 1977, on avait fait le déplacement ensemble à Liverpool pour assister au quart de finale de Coupe d’Europe entre les Reds et Saint-Étienne. Il avait été frappé, comme moi, par l’ambiance extraordinaire qui régnait à Anfield. On souhaitait se focaliser sur les aspects tactiques et techniques du match, mais notre attention avait été attirée par des éléments extérieurs. J’aimais suivre les matches en sa compagnie. Il avait un œil d’expert.

Neuvième au classement de Division 2 avec son équipe première, Nœux-les-Mines affichait aussi une belle réussite dans les autres catégories:la réserve termina première de son groupe, et les juniors enlevèrent le titre de la région Nord-Pas-de-Calais.

Le duo Debeugny-Houllier tenait la route!

Mais qui avance parfois recule.

L’année suivante fut moins probante, y compris sur le plan financier où le marasme guettait, avec une chute au classement et une descente en division inférieure. Elle sera fatale à mon ami Guy Debeugny, qui démissionna au cœur de l’été 1978. Je découvrais la dure loi du métier, appliquée à un homme qui ne méritait pas un tel sort.

Le soir même, alors que je ressassais cette décision qui m’apparaissait injuste, un appel téléphonique m’arracha à mon vague à l’âme. À l’autre bout du fil, Bernard Leroy, le patron des établissements Leroy-Merlin, qui cumulait cette responsabilité avec celle de président du club. Comme son père l’avait fait dans les années 30, il s’était impliqué dans la vie de Nœux-les-Mines au milieu des années ٦٠.

«Écoute-moi bien:j’ai vu beaucoup de vautours dans les tribunes du stade à l’occasion des derniers matches. J’ai rencontré de nombreux agents qui m’ont proposé de faire venir des entraîneurs pour occuper la place de Guy. Mais je ne ferai appel à personne d’autre que toi. Je l’ai décidé:tu seras le prochain entraîneur.»

g houllier2

Bernard Leroy était une personnalité particulière, à la fois très décontractée et extrêmement déterminée. Lorsqu’ils signaient en faveur du club, les joueurs étaient embauchés chez lui. Il ne s’agissait pas d’emplois fictifs, mais ils quittaient le magasin vers 17 h, avant sa fermeture, pour se rendre à l’entraînement.

Je suis allé voir Guy Debeugny pour lui apprendre le contenu de ma conversation avec le président. Il me mit à l’aise:«Ne rate surtout pas cette occasion, Gérard. Tu vas récupérer une équipe en troisième division, que tu n’auras aucun mal à maintenir.Fonce, et ne te pose pas de questions.»

J’ai agi selon ses recommandations. Cette fois, j’étais en première ligne, en prise directe avec le groupe. Je n’ai pas eu à le regretter.

Avant un entraînement de début de saison, un de mes copains, Jean Verschueren, un ancien pro à Lille, m’apostropha alors que je buvais un verre au bar.

«Gérard, tu sais que tu vas agir comme un salaud désormais?

–Quoi?Mais qu’est-ce que tu me racontes?

–C’est toi l’entraîneur en chef, et tu fais un métier de salaud.

–Mais qu’est-ce que tu veux dire par là?

–Eh bien, tu vas faire des choix, et ce ne seront pas toujours les meilleurs joueurs qui joueront. Mais je ne t’en tiens pas rigueur. Simplement, tu te lances dans un métier où il n’y a plus aucun affect possible.»

J’avais encore la tête à l’École Normale d’Arras et à Sup de Co Lille, et je n’avais pas envisagé ma responsabilité sous cet angle-là.

Mon premier choix d’équipene tarda pas. Pour l’ouverture du championnat, on se déplaçait à Saint-Quentin, chez l’ennemi juré, où nous attendaient, comme au coin du bois, 4 000 spectateurs hostiles. Un de mes joueurs avait suivi toute la préparation d’avant-saison, et il s’était révélé irréprochable. Un autre n’était rentré que dix jours avant le début de la compétition, à cause du calendrier des congés déterminé par son entreprise. Le premier, assidu, s’imposait logiquement au poste d’arrière droit, mais je me suis interrogé, au dernier moment, sur sa capacité à maîtriser son stress. J’ai demandé au deuxième comment il se sentait. C’était un Ch’ti, un gars du pays. «T’inquiète pas Gérard, cha va aller…» Malgré les limites de sa préparation physique, il me rassurait par sa décontraction. Le match fut tendu de la première à la dernière minute, mais Nœux-les-Mines ne plia pas et l’emporta sur le score de 1-0. Mon défenseur avait réalisé une prestation remarquable.

Ce jour-là, j’ai repensé à la formule de mon copain Verschueren. Il avait raison: je faisais peut-être un métier de salaud.

Il me réussissait, pourtant.

Sur les 30 matches de la saison, une seule défaite nous obligea à poser un genou à terre. Elle fut concédée au Touquet, par la plus petite des marges. Et encore:à 0-0, on avait eu la possibilité d’ouvrir la marque, par l’ancien avant-centre du Touquet qui rata malheureusement un penalty. Depuis ce jour, je refuse qu’un ancien joueur de l’équipe que nous rencontrons se propose pour tirer un penalty. Une question de superstition.

g houllier1

Après une vingtaine de matches, l’équipe comptait plusieurs points d’avance, et le projet d’accession en D2 commençait à prendre corps. Il ne convenait pas à tout le monde. À quelques heures d’un match en retard, j’ai senti moins de motivation chez un de mes joueurs, alors que sa passion pour le jeu était sans faille. En tendant l’oreille dans le vestiaire, j’ai compris qu’ils n’étaient pas tous favorables à l’idée de monter de division. En D2, leur vie allait être chamboulée et certains ne le souhaitaient pas. Ils semblaient préférer le «confort» de la division inférieure. Je les ai réunis pour leur rappeler l’objectif à atteindre, qui ne serait pas revu à la baisse. Nœux-les-Mines a finalement été champion, mais j’ai écarté en cours de route les deux ou trois joueurs que je ne sentais pas assez impliqués. J’avais des doutes sur eux, j’ai réglé le problème en les «éliminant».

Habitant Arras, je parcourais de nombreux kilomètres chaque jour et, dans ma voiture, dès qu’une idée me venait à l’esprit, je l’enregistrais sur un mini-magnétophone pour ne pas l’oublier. J’étais sous tension permanente.

 Notre aventure en deuxième division ne fut pas simple à manager. J’avais organisé trois jours de stage d’avant-saison au Touquet pour une mise à niveau de l’effectif. C’est un moment capital dans la vie d’une équipe. Jean-Michel Godart, notre talentueux gardien de but, m’a averti au dernier moment qu’il ne serait pas des nôtres, car son travail chez Renault ne lui permettait pas de se libérer.

«Gérard, je ne peux pas venir.

–Si tu ne viens pas te préparer avec le groupe, je ne pourrai pas compter sur toi pour le reste de la saison. Ce n’est pas grave, je vais m’organiser autrement.Tu as 48 heures pour réfléchir.»

J’ai contacté deux gardiens de but susceptibles de le remplacer, Gérard Gili et Marc Weller, qui se trouvaient tous les deux en fin de contrat.

48 heures plus tard, Godart réapparut.

«Allô, Gérard? Finalement, je viens au Touquet.

–Non, non, ça ne se passe pas comme ça. Tu raccroches le combiné, tu prends ta voiture et tu viens me le dire en face, chez moi.»

Il est arrivé au bout d’une petite demi-heure. Il s’est assis dans un fauteuil.

«Bon, en fait, que veux-tu me dire? Que tu veux jouer? C’est bien ça, hein? Que tu veux jouer? Bon, d’abord, parlons du stage.

–Le stage, c’est réglé:j’y participerai.

–Alors maintenant, je vais te décrire une situation: on est derniers, on compte huit points de retard sur le premier relégué, plus d’argent dans les caisses et plus beaucoup de spectateurs dans les tribunes. Le terrain d’entraînement est pourri et tu es obligé de faire des roulades sur un sol dur comme du béton armé. Je peux toujours compter sur toi?

–Je serai le premier à venir à l’entraînement, tu peux compter sur moi!

–Tu me le répètes, car j’ai deux gardiens de but qui attendent mon coup de fil.On sera derniers, et tu seras le premier à l’entraînement?

–Je te le promets, coach.

–Ok, alors on part comme ça.»

Jean-Michel Godart réalisa finalement une saison exceptionnelle, qui lui permettra, deux ans plus tard, d'évoluer en première division à Laval avec Michel Le Milinaire. Et d’être surnommé le «Schtroumpf» par la France entière, suite aux exploits européens du club.

J’ai appris qu’un entraîneur devait veiller à tout, et qu’il pouvait aussi rencontrer des situations abracadabrantes. Mais la difficulté ne me déprimait pas.

Le «pic» de la performance de Nœux-les-Mines se situa au printemps 1981 lorsque l’équipe accéda aux barrages dans l’espoir d’atteindre la première division. À l’aller, contre Toulouse, entraîné par Pierre Cahuzac, «mes» deux Polonais Stefan Bialas et Joachim Marx avaient marqué un but chacun et notre victoire (2-0) nous laissa entrevoir les portes du paradis. Mais tous les habitants de cette ville aux ambitions modestes n’envisageaient pas cette perspective avec jubilation. Notre présence éventuelle parmi l’élite effrayait, d’autant qu’il aurait fallu que le club prenne le statut professionnel. Le barrage retour se chargea de rassurer les inquiets.

g houllier5

Arrivés à Toulouse en avion et repartant en train dès la fin du match, nous avions loué deux mini-bus pour nous rendre au stade vers 18h. J’étais au volant du premier, et je me faisais guider par mes joueurs dans les rues toulousaines encombrées. À l’entrée du Stadium, deux policiers me firent signe d’arrêter.

«Bonsoir, messieurs. Nous sommes l’équipe de Nœux-les-Mines.

–Non, sans blague?»

Alain Tirloit, assis sur la banquette avant du véhicule, prit son meilleur accent ch’ti.

«Monsieur l’agent, on vous promet, on est Nœux-les-Mines.

–Allez, assez rigolé, vous venez jouer en lever de rideau.

–Oui, c’est ça, nous venons jouer en lever de rideau. Laissez-nous passer où je vais chercher un collègue à vous.»

Il montra du doigt un joueur de l’équipe, Alexandre Stassievitch, assis à l’arrière, qui travaillait dans la police.

«Bon, passez, vous allez être en retard.»

J’avais répliqué par une pirouette : «Je vais entrer doucement, mais on risque de sortir beaucoup plus vite.» Je ne croyais pas si bien dire. L’équipe encaissa cinq buts sans pouvoir en rendre un seul. J’ai eu l’impression étrange d’assister à un match dont le scénario avait été écrit à l’avance.

Marx avait ouvert le score en notre faveur dans les premières minutes mais l’arbitre refusa le but. Personne n’a compris pourquoi. Quand Toulouse marqua son deuxième but, le juge de touche sauta de joie. Le troisième but découla d’un penalty curieux et le cinquième fut inscrit alors que les supporters toulousains avaient déjà envahi la pelouse. Bizarre, vous avez dit bizarre?

Je ne saurai jamais le fin mot de l’histoire.

Le maire de la ville insista auprès de ses administrés: «Nœux-les-Mines ne peut pas se permettre d’avoir un club en D1.» Le message était clair. Notre troisième saison ne fut pas mièvre avec une troisième place en championnat, une qualification aux dépens de Nantes (2-1) en Coupe de France, et une élimination au tour suivant, en aller-retour, face au PSG, futur vainqueur de la compétition. Il n’y avait pas de quoi rougir. Je sentais, pourtant, que la fin de l’aventure était proche et qu’il serait impossible d’aller plus loin. D’autant que la mort brutale de Bernard Leroy, dans un accident de la route, en octobre 1981, privait le club de son meilleur représentant.

Depuis quatre ans, on disait que j’étais le Guy Roux de Nœux-les-Mines.

Alors, quitte à me comparer à lui, autant le faire en première division.

 

g houllier4Après 6 saisons à l'US Noeux, Gérard Houllier a rejoint le RC Lens en Première Division avant de connaitre la renommée internationale. 


HOULLIER DIGEST
Né le 3 septembre 1947 à Thérouanne (Pas-de-Calais) et mort le 14 décembre 2020 à Boulogne-Billancourt.

Entraîneur
  • US Noeux (Division 3 et Division 2) : 1978-1982
  • RC Lens (Division 1) : 1982-1985
  • Paris SG (Division 1) : 1985-1988
  • Liverpool FC (Premier League) : 1998-2004
  • O. Lyon (Ligue 1) : 2005-2007
  • Aston Villa (Premier League) : 2010-2011
Sélectionneur
  • France A : 1992-1993
  • France U18 : 1994-1996
  • France U20 : 1996-1997
Palmarès d'entraîneur (extrait)
  • Champion de D3 Groupe Nord : 1979
  • Champion de France : 1986 - 2006 - 2007
  • Vainqueur Coupe de l'UEFA : 2001
  • Vainqueur de la FA Cup : 2001
  • Champion d'Europe des -18 ans : 1996
 
 
 
 
 
Free Joomla templates by Ltheme